La question a été posée mercredi 13 mars 2019 à l’audience (dont j’ai fait partie) de la Semaine Du Cerveau. Un panel 100% féminin a donné des éléments de réponse sous la conduite d’Anne Baecher, journaliste à la RTS et la participation de Sandrine Viglino, humoriste. Ce que j’en retiens :
Selon la Prof. Stéphanie Clarke, cheffe du Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation du CHUV, l’essence de notre humanité est liée aux fonctions cognitives, parmi lesquelles : le savoir, la connaissance, l’expertise, la musique, la capacité d’apprendre, la gestion des émotions, etc. Un bref apprentissage ciblé peut changer la configuration du système sémantique (un réseau de régions cérébrales capable de coder le « sens des mots »).
S’il est commun d’entendre parler de l’innovation technologique et des changements qu’elle provoquerait sur notre cerveau, l’innovation technologique qui l’a fondamentalement modifié et continue de le modifier date du 15e siècle : c’est l’imprimerie. Elle a facilité une lecture rapide. L’apprentissage de la lecture – la reconnaissance visuelle des mots – remanie profondément et durablement l’organisation cérébrale. Et, si je comprends bien, les mots prennent leur sens dans l’interaction entre les individus, les populations et les générations.
La Dre Claire Bindschaedler, également au Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation du CHUV, traite de l’amnésie. Dans son intervention, elle mentionne notamment Edward Claparède, Brenda Milner, Elisabeth Warrington, Larry Squire, toutes et tous ont apporté leur pierre à l’édifice confirmant que la mémoire est plurielle.
Si l’hippocampe (pas l’animal…) est le temple de la mémoire, il est en réseau avec d’autres régions corticales. La Dre pose la question, nos souvenirs conscients sont-ils de même nature ? Certains souvenirs sont liés à des moments (votre arrivée à telle destination de loisirs), d’autres à des savoirs (la capitale, la superficie, le nombre d’habitants etc. de cette destination). Dans le premier cas, ils sont épisodiques (uniques, spécifiques, un voyage dans « notre » temps), une reviviscence – revivre une sensation. Dans le second cas, ils sont sémantiques (un savoir décontextualisé, partagés avec d’autres personnes de même culture).
Elle mentionne en outre une différence entre la mémoire sémantique générale – Lamartine (le poète) – et la mémoire sémantique personnelle – une adresse, rue Lamartine.
En guise de conclusion, la Dre mentionne :
- différentes mémoires sont logées dans des régions cérébrales partiellement distinctes;
- l’hippocampe a un rôle majeur pour la mémoire des épisodes de type « une fois, je… »;
- certains souvenirs restent d’une manière durable épisodiques (détaillés);
- la mémoire épisodique contribue à notre identité;
- lorsque la mémoire épisodique est défaillante, la mémoire sémantique personnelle permet de maintenir une continuité et un sentiment d’identité.
Pour aller plus loin,
Bindschaedler, Claire & Peter-Favre, Claire & Maeder, Philippe & Hirsbrunner, Thérèse & Clarke, Stephanie. (2010). Growing up with bilateral hippocampal atrophy: From childhood to teenage. Cortex; a journal devoted to the study of the nervous system and behavior. 47. 931-44. 10.1016/j.cortex.2010.09.005.
La Prof. Aude Billard à la Faculté des sciences et des techniques de l’ingénieur, EPFL, a été questionnée sur l’intelligence des robots. Elle a rapidement replacé ces mots : l’humain est intelligent.
Sous l’angle de la mémoire, celle du robot est gigantesque et son processeur est extrêmement rapide. Problème? Elle enregistre absolument tout; pour quelle compréhension? Le robot se répète, il généralise peu. La mémoire de l’humain, elle, est grande et son processeur plus lent. Toutefois, il retient l’essentiel, il comprend le sens de ce qu’il retient, le pourquoi, il peut créer, inventer.
En somme, ce n’est pas le robot qui est dangereux, ni l’intelligence artificielle, mais la façon dont l’être humain utilise la machine. L’être humain doit se poser les bonnes questions, les bons pourquoi (…vous utilisez cette machine) ?
J’ai retrouvé un article récent du Temps, dans lequel Aude Billard donne une multitude d’informations d’intérêt (et une vidéo), dont une partie a été évoquée lors de cette soirée. Bonne lecture !
Je suis très preneuse des conférences et autres ateliers de la Semaine du Cerveau, laquelle a lieu chaque année en mars, et d’en apprendre toujours un peu plus sur le chef d’orchestre de notre organisme. Merci aux intervenantes et à l’équipe d’organisation !
Emilie Pralong